Toutes les périodes sont favorables à l’innovation et à la créativité, mais la période de crise sanitaire que nous avons vécu et vivons, en cette rentrée de septembre, l’est encore davantage car l’instinct de survie et la peur, poussent à chercher des solutions et à nous mettre sur le chemin de solutions créatives. Les guerres – le Président Macron a bien employé ce mot pour le Covid – notamment, ont toujours été favorables à l’innovation. Ce sont des moments où le besoin d’invention se fait davantage ressentir.
L’entreprise a su être agile face à une situation de turbulence brutale. Elle a su développer le télétravail, le management distanciel, un virage à 180° pour faire face à de nouveaux modes de consommation… Les dirigeants et les collaborateurs ont souvent su être résilients et agiles. Comment faire pour capitaliser sur ces talents ? Comment s’assurer que dans une période durable d’incertitude, cette agilité perdurera ?
La grande innovation de la crise : Le télétravail
Un bouleversement des conditions de travail. Riche en émotions et porteur d’aspects positifs et négatifs. 9 personnes sur 10 considèrent que le télétravail sera une composante essentielle de leur quotidien professionnel dans les années à venir… Mais 57% pensent qu’il crée des fractures au sein de l’entreprise. Une enquête récente auprès des DRH (Le Monde du 15 septembre 2020) montre que le télétravail entraîne une baisse des interactions sociales et du sentiment d’appartenance à l’entreprise, moins de cohésion entre les salariés en télétravail et les autres, une hausse des risques psycho-sociaux (surcharge de travail, stress), une baisse de la créativité et de la capacité à résoudre des problèmes. Tout ne serait donc pas rose dans cette nouvelle pratique. Un chef d’entreprise me disait récemment que l’intégration des nouveaux, qui dans son cas se faisait au sein d’un l’open space, sera plus difficile.
Il s’agira donc de s’interroger sur les conditions d’exercice du télétravail et plus généralement sur ces nouveaux modes de travail, sur le cadre espace-temps, la notion d’autonomie et celle d’isolement.
Cela entraîne un nouvel exercice des responsabilités, de l’interdépendance des tâches, une attention à porter à la motivation, un risque de disparition des dynamiques de groupes. Le télétravail ne pouvant pas s’exercer de la même façon suivant les entreprises et les fonctions.
Nous voyons comment aujourd’hui, depuis la rentrée, le télétravail et le travail en présentiel peuvent, dans certains cas, être alternées harmonieusement. La crise aura servi à lever les préventions définitives que certaines entreprises avaient envers le télétravail. Le travail en présentiel devant se faire aujourd’hui en respectant les gestes barrières et le port du masque entraîne aussi, pour le temps de la crise sanitaire, certaines difficultés de communication mais également des précautions et une attention à l’autre qui ne comportent pas que des aspects négatifs. Ne nous voilons pas la face (!), la fin de l’obligation du port du masque constituera un vrai soulagement.
Quelques premières pistes : l’attention aux émotions des collaborateurs
Comment mon vécu personnel et professionnel, mes émotions, celles de mes collaborateurs vont influencer nos « rituels » managériaux de demain ? Comment analyser le vécu émotionnel de l’équipe pendant cette période et le vécu de l’entreprise prise comme un corps vivant ? Quelques suggestions à ce sujet :
- Accompagner la transformation des modes et outils de communication interne,
- Anticiper les décrochages dus aux particularités du télétravail,
- Reconstituer la dimension affective du travail en équipe,
- Travailler la croissance relationnelle à distance,
- Accompagner l’organisation du cadre temps, de l’espace et des modes de travail,
- Identifier et gérer le stress et les blocages humains à distance et en présentiel.
Crise et frugalité : un beau champ d’exercice de la créativité
Première constatation au cours de la crise : tous les collaborateurs n’ont plus été ou ne sont plus complètement disponibles, tous les clients n’ont plus été joignables ou en activité. Que faire ? Comment ce traumatisme terrible peut-il me rendre plus fort s’il ne me tue pas.
Une piste : changer de logique. Inverser le schéma classique : diagnostic, stratégie, plan d’actions et indicateurs. Voir quelles sont les actions possibles et ensuite, les faire remonter progressivement pour réviser la stratégie.
La métaphore est celle du frigo le dimanche soir. Il est trop tard pour faire les commissions, j’ouvre le frigo et je regarde ce que je peux faire comme recette avec ce qu’il y a (référence au Jugaad). Et à cette occasion dans une situation de frugalité (et de légère angoisse) il est possible que je découvre des innovations intéressantes, des pistes auxquelles je n’aurai pas pensé avant. Les émotions individuelles ou collectives deviennent créatrices de valeur ajoutée et d’innovation.
L’élément humain au cœur de l’intelligence émotionnelle
Comment gérer les émotions Covid et être créatifs ? Les impacts psychologiques de la crise et le temps nécessaire vers « un retour à la normale » (à quel horizon ?) sur le volet humain sont complexes à maîtriser notamment sur la capacité des collaborateurs à reprendre progressivement pied dans le réel, croisée avec les impératifs de la reprise d’activité.
Plus que jamais le management doit être porté par le « care » (le soin) dans tous les dispositifs de savoirs voir /être /dire et par l’intelligence émotionnelle et relationnelle.
L’exercice du travail dans ces nouvelles conditions représente des contraintes pour tous et diffère de ce qu’on a pu connaitre ou vivre lors de précédentes crises. Ces presque deux mois de confinement et la période actuelle de reprise totale ou partielle, éprouvent les collaborateurs. Chacun d’entre eux aura vécu et vit la situation, professionnelle et/ou personnelle à sa manière et apporte des expériences et ressentis qui lui sont propres.
Beaucoup sont heureux de se retrouver physiquement et en bonne santé, mais l’épidémie de Covid 19 aura laissé des traces plus ou moins marquées sur chacun et le management en situation de crise sanitaire (dont la durée n’est pas définie – source de stress supplémentaire) a dû probablement être impacté.
L’écoute, l’attention à l’autre et le respect de nos règles fondamentales de sécurité rythment notre quotidien. Pour aider les managers à appréhender cette période sereinement, voici quelques pistes qui ont pu permettre la reprise de l’activité dans les meilleures conditions possibles. Il s’agira de
Prendre le temps de se retrouver collectivement et montrer des marques d’attention de façon différenciée
L’impact psychologique du Covid n’étant pas le même pour chacun. Il est essentiel de favoriser des temps de partage individuel et/ou collectif pour connaitre et comprendre ensemble le vécu de chacun et ses interrogations. Il s’agit également de maintenir le lien collectif, clé de réussite de la période de crise sanitaire qui se poursuit. Les managers doivent être particulièrement attentifs les uns aux autres et renforcer les marques d’attention auprès de leurs équipes et collègues.
Quelques pistes :
- Redonner force aux collectifs physiques autour de nos valeurs et notre expérience de la crise,
- Favoriser des temps/moyens de retour d’expérience qui peuvent inspirer « l’après » du collectif,
- Considérer la situation des managers et des collaborateurs pendant la crise et organiser au plus près les temps de discussion. La capacité des managers à savoir animer le collectif est plus que jamais déterminant.
- Savoir mobiliser les équipes : écoute et soutien, droit au questionnement, retrouver l’énergie collective, utiliser l’humour,
- Prendre en considération l’impact émotionnel de la crise sur les collaborateurs : mettre en place des modalités d’accueil et de réassurance adaptées aux collectifs,
- Évaluation que l’on fait de la situation émotionnelle que nous vivons :
- Quelle évaluation a été faite de la situation ?
- Quelles ont été les modifications expressives et comportementales des collaborateurs ?
- – Tendance à l’action
- – Ressenti de l’émotion
Donner du sens et rassurer
- Porter dans cette phase de rentrée en période de Covid, un discours humble, authentique et transparent qui met la sécurité des collaborateurs comme la colonne vertébrale de la reprise et un engagement d’employeur majeur.
- Organiser une prise de parole rythmée ritualisée incarnée par le directeur général et le top management.
- Rassurer sur l’utilité de chacun et valoriser les prouesses dans tous les métiers qui ont permis de relever la période de confinement et ont accompagné la reprise, pour souder le collectif autour de notre raison d’être et de notre utilité. Des vocations ont pu naître et naissent encore du fait de la crise. Il s’agit de valoriser celles qui peuvent être pérennes.
- Capitaliser sur l’expérience de la crise et ses impacts individuels profonds pour poursuivre la dynamique de transformation managériale.
- Co-construire avec les managers un nouveau modèle managérial fondé sur la prise en compte de l’humain : groupes de travail sur la posture et les leviers qui leur permettent d’aborder leur rôle d’accompagnateur et transformateur, développement des bonnes pratiques et des compétences requises, identification des marges de manœuvre et des modalités opérationnelles /organisationnelles efficientes.
- Reprendre l’accompagnement des managers sur leurs problématiques métier au quotidien : traitement des éléments perturbateurs, innovation participative, pair à pair.
- Valoriser l’utilité des managers et des collaborateurs de tous métiers dans leur activité, en les fédérant autour d’un projet d’activité porteur de sens, qui donne sa place à chacun.
Pour donner du sens et rassurer une réflexion sur les émotions paraît utile
En matière d’émotions, il sera utile de comprendre le vécu émotionnel pendant la crise sanitaire actuelle :
- Identifier les déclencheurs, qu’est-ce que ces émotions me disent de la situation, de l’attention que nous y avons porté, de l’évaluation que nous en avons faite ?
- Analyser comment sont gérées ces émotions :
- leur chronologie,
- leurs conséquences,
- dans le cas d’une nouvelle crise avons-nous des émotions cible ?
- Est-il pertinent de mettre en place une stratégie de régulation émotionnelle ?
- Analyser aussi comment mieux utiliser les émotions :
- Savoir activer les émotions aidantes,
- Accepter et s ’adapter à l’émotion de l’autre,
- Utiliser les émotions dans le traitement de l’information, la communication, la préparation à l’action, la prise de décision et l’amélioration de la relation pour mieux comprendre les besoins de chacun.
Cette réflexion a été menée dans le cadre du laboratoire de recherche du Centre International du coach, Partenaire de ComProfiles, dont le sujet sur 2019-2020 est l’émotion de l’entreprise.
Si le sujet vous intéresse, ne pas hésiter à me contacter