La 3ème main ou comment entamer une cure sans écrans ?
En ces temps de confinement, si nous n’y prenons pas garde, le téléphone portable devient tellement présent dans nos vies qu’il nous faudrait bientôt presque une troisième main pour pouvoir l’avoir en permanence à notre disposition. De façon plus large, les écrans, ordi, tablette, télé, peuvent devenir très vite envahissants.
C’est également vrai que ces nouvelles technologies nous permettent de communiquer plus vite, de télétravailler et d’obtenir des informations précieuses en particulier en cette période si particulière d’isolement forcé. Elles nous permettent de rompre avec une solitude qui serait bien pénible pour certains. Mais ne sont-elles pas aussi une nouvelle forme d’aliénation, une occasion de gâcher de belles plages de temps pour des choses futiles ?
On sait que les enfants exposés sans arrêt à la télévision risquent d’avoir un vocabulaire et des dessins pauvres, voire d’avoir plus de chance de devenir obèses. Au point que les grands patrons de la Silicon Valley envoient leurs enfants dans des écoles sans écrans. De plus quelles sont les valeurs souvent véhiculées par les écrans : consommation, violence, sexe, assénées à coup de campagnes marketing massives. Bref le menu est rarement de grande qualité.
Existe-t-il donc une bonne manière d’utiliser ces merveilleux outils pour ne pas en devenir esclaves ? Nous sommes dans une relation addictive avec ces écrans en particulier dans la période actuelle. Nous ne sortons pas (même juste pour l’heure autorisée) sans notre mobile et nous regardons nos mails sans arrêt. Certains l’ont même près de leur lit et c’est la première chose qu’ils consultent quand ils se réveillent.
La période de confinement actuelle pendant laquelle l’achat de biens et de services est plus compliquée pourrait nous inciter à une forme de sobriété dans nos achats qui ne nous rende pas forcément tristes. Pourquoi ne pas appliquer cette sobriété vis à vis de la consommation d’écrans ?
Comment expliquer notre addiction aux écrans ? Les sociétés actuelles sont pléthoriques à bien des égards. Sauf pour les personnes qui sont dans le besoin (et celles-ci souffrent encore plus dans la période actuelle), l’accès à une nourriture surabondante est facile. Cette pléthore est toxique. Nous avons pu voir en début de confinement cette peur de manquer à l’œuvre avec des personnes achetant 10 kg de farine (ton voisin veut-il devenir boulanger ?) ou remplissant un caddie de papier toilette (mourir peut-être mais surtout les fesses propres). Et puis progressivement cela s’est calmé, ouf nous savions que nous ne manquerions de rien. Mais revenons aux écrans, les nouvelles technologies nous amènent à un état de surconsommation et de sur sollicitation en informations et en distractions qui se rapproche de la surabondance alimentaire.
Les écrans il faut le reconnaître sont de magnifiques outils pour entrer en contact avec la culture. Récemment en soutien aux personnel soignants et à toutes les personnes qui font tourner le pays (agriculteurs, personnels de supermarché, …la liste est longue), les danseurs de l’Opéra de Paris ont fait une vidéo splendide tournée de chez eux. Nous pouvons faire des visites virtuelles de musée, écouter des concerts, des conférences, et aussi rire à des blagues bien drôles parfois. Mais le risque est de n’avoir un accès, un contact avec le monde qu’à travers eux.
Ces nouvelles technologies sont une chance extraordinaire si nous savons les garder à distances pour une bonne partie de nos vies. Il ne s’agit pas de revenir en arrière. Mais il faut être conscient que les nouvelles inégalités se construisent autour de ceux qui ont un usage raisonnable des écrans et ceux qui en abusent. Je me suis aperçu du gros avantage d’un geste simple par exemple, éloigner son portable de sa chambre et en observer les effets, on lit plus, on peut avoir un temps de méditation au sortir de ses rêves. Bref ce simple geste d’hygiène de comportement a des effets plus que positifs sachant qu’en plus on dort mieux après avoir lu un livre qu’après avoir regardé son portable. Pour y arriver on peut aller dans des endroits sans connexion, se mettre en mode avion, ne pas emmener son téléphone pour faire une balade (comme nous pourrons bientôt le faire).
Je trouve que le parallèle avec des confiseries ou du chocolat est un bon guide pour savoir se fixer des garde-fous vis à vis des écrans. C’est délicieux d’en manger mais dangereux d’en abuser en permanence. Le travail de la méditation de pleine conscience (par exemple en suivant la méthode MBSR – Mindfulness Based Stress Reduction- de Jon Kat Zin, est une bonne voie pour s’accorder des plages de décrochage du monde virtuel. Quel bonheur aujourd’hui de décrocher des chaînes d’info en continue ou des radios qui sont devenues des robinets à infos sur le Covid.
Réduire le temps consacré aux écrans c’est récupérer de la sérénité. Retrouver des temps de non-action, de rêverie, pourquoi pas de flemmardise, enfin déconnectés, ouf. Du temps pour faire les choses lentement aussi sans stress. Les SMS et autres mails attendront, le ciel ne va pas nous tomber sur la tête. Ceci est une piste se retrouver et aussi retrouver les autres car lorsque nous nous connecterons nous serons plus attentifs.
Ne nous leurrons pas nous retomberons souvent dans le piège des écrans. Mais simplement si nous appliquons de petits gestes, nous pourrons en mesurer des effets positifs. Essayer la prochaine fois que vous faites la queue devant un boulanger (fréquent en ce moment) de regarder le ciel plutôt que vos mails et vous pourrez observer les effets que cela procure en vous.
J’ai eu des jeunes gens en coaching qui étaient tellement accros au téléphone et aux jeux vidéos qu’ils en oubliaient de dormir. Quand ils ont progressivement récupéré une nouvelle hygiène de vie et ainsi se réapproprier du temps pour remplacer le virtuel par du réel, quel ne fut pas leur bonheur.
C’est vrai qu’en ce moment le fait de parler à ces amis au téléphone est souvent un bonheur. Mais en cette période de printemps (respectant la distance d’un kilomètre 🙂 nous pouvons observer autour de nous des fleurs, la nature en mouvement, en ville un brin d’herbe qui pointe son nez entre deux pavés et cela nous fera plus de bien que d’avoir le nez collé à un écran. Et combien nous serons heureux de pouvoir nous réunir entre amis plutôt que de faire un apéro zoom (bonne idée d’ailleurs).